dimanche 29 novembre 2009

Quand passe la cigogne




















Quand en crue le froid déborde
Claque du bec la cigogne
Pour de blacks bébés qu’on borde
Dans de doux doux nids gigognes.




JANO vit à La Roche-Sur-Yon.Cet ami enrichit régulièrement son univers de figures poétiques en bois flottés sur lesquelles je pose ces petits textes.

samedi 28 novembre 2009

Blues du SKF


A ce moment il n’est plus rien
Amputé de tout présent
Dans le rougeoiement des palettes
Là pauvre corps enténébré
Mort même à toute colère
Dans l’épais noir de la douleur
Sans gestes, sans forme articulés
Seul dans sa pâte d’histoire
A ce moment il n’est plus rien
Ce vingt novembre 2009
Où il jette aux flammes son bleu
Cette pièce d’existence
Ce morceau rentré de mémoire
Sa seconde peau ouvrière
Cousue de bruits mais vivante
Collée au roulement du monde.

Le 20 novembre, après 40 ans de vie
l'usine SKF de Fontenay-Le-Comte(85)
est délocalisée en Bulgarie.Ce jour
Les ouvriers brûlent leur bleus de travail

mardi 24 novembre 2009

Mikado des signes








tes rêves noués
fais-toi la belle, descends
au bout de ta nuit



L'amitié a réuni le poète Jean-Pierre Sautreau et l'illustrateur Jean-Claude Luez autour d'un ouvrage Mikado des signes.
A l'occasion des 30 ans de Soc et Foc, la médiathèque Benjamin Rabier vous invite à les rencontrer, autour de l'exposition des dessins,dans le cadre d'une lecture poétique enrichie de ponctuations musicales jazz le mercredi 25 novembre à 17h.

dimanche 22 novembre 2009

La main dans la culotte nationale

La main du hasard est parfois bien cruelle pour nos petits monarques en mal d’Histoire et de chats à fouetter pour appâter les gogos. En plein débat identitaire avec baguette et camembert simpsonnant les Sarko, voilà qu’Henri la débrouille sauve le drapeau français d’une main vengeresse mais tricheuse, exécutant néanmoins roulades victorieuses et tutti quanti bombements de jabot à des poitrines trois couleurs s’arrachant les plumes de bonheur dans une communion nationaliste où foin des gratteurs de conscience nom de dieu l’important c’est de gagner et de sceller la cassette de la chaîne bétonnée des cerveaux disponibles à la consommation de tous les opiums y compris celui de la connerie qui lave jusqu’à l’honneur. Car monsieur, on est fier d’être français et pas question de laisser à l’Irlande les verts pâturages des cocoricos. Etre français comme bave l’autre à la télé c’est être malin, oui monsieur plus malin, d’ailleurs l’exemple ne vient-il pas d’en haut, la roublardise guidée par la main sondagière ne huile-t-elle pas le jeu des gouvernances. Aller aider le destin d’une main coupable mais non moins opportune n’est-ce pas astiquer l’identité nationale. Black blanc beur et on s’achète une belle âme pour reconduire aux frontières les sans identités. Face à ce vol caractérisé, du sommet de l’état au guignol Domenech, tout le monde botte en touche et se met la tête sous le gazon, préférant le déshonneur à l’humiliation d’une absence de qualification. Henri l’embrouille osant même nous faire le coup du fair-play une fois connue l’opposition de la Fifa à faire rejouer le match. Décidemment cette main dans la culotte nationale tombe mal pour nos masturbateurs d’identité.

P.S : sur antenne 2 hier, on apprenait que cette sélection vaudrait pour Domenech une prime de 862000 euros, pour chaque joueur 140000 euros plus 10000 euros par match gagné. Cette main du diable est donc une main en or. A ce prix, on comprend encore mieux qu’on soit capable de vendre son âme et de voler une victoire. Pourtant demain combien d’exclus continueront d’alimenter la caisse.

samedi 21 novembre 2009

L'oreille en manque



« Je ne cherche pas à expliquer le monde, mais à donner envie de l’écouter…je cherche à faire entendre les silences, les bruits parallèles, toutes ces choses insignifiantes qui font la chair humaine…je cherche à créer une connivence, un état de gourmandise…le monde est sombre mais il y a beaucoup de petites lumières…je fais une radio écrite". Voilà quelques mots de Kriss, notre crumble du dimanche qui nous glissait dans l’oreille ses rencontres sensibles, de la Graffiti à la voix menthe à l’eau qui vient de se casser dans ses ronds de fumée. Voilà notre vie au coin, orpheline de ce grain mutin, de ce grain coquin qui depuis 40 ans coulait sensuellement dans notre oreille. D’un coup, nous voilà de l’âge de nos artères, nous qui avions quitté « Salut les copains » puis « campus », Europe 1 pour Inter dans les années 70 et ces voix comme Kriss dont on transportait les visages fantasmés, grâce aux transistors, aux quatre coins de mos murs. Car la force de l’onde sur l’image est bien de laisser le temps glisser sur le coquillage sans percevoir les rides en coin d’un cœur. Et dieu sait si, dans le cas de Kriss, nous avions 40 ans après, toujours l’envie de tirer ses nattes dès qu’elle ouvrait le micro. D’autant qu’elle nous offrait toujours le même étonnement amoureux et la même fraicheur jeunette devant le monde et malgré tout l’espèce humaine. Villers à la retraite,Kriss envolée, voilà autant de cailloux blancs sur nos chemins impossibles à rebrousser, voilà autant de doux grains à racasser.

vendredi 20 novembre 2009

Blues des herbes folles

Un jour sur la photo
On voit en contrechamp
Soudain glisser la faux
Alors on crie moteur
Au gamin facétieux
Blotti dans les vieux os
On écrit à la plume
Dans un ciel de paille
Pour des étoiles en chair
Des histoires qui volent
Au ras des herbes folles
On tourne jusqu’au mot fin
Leurs soleils champêtres
Qui grillent la pellicule.

mercredi 18 novembre 2009

ANACHRONIQUE


Il était prévisible que l’ouverture d’un débat sur l’identité nationale par un président en mal d’amour populiste réveillerait les sanguins d’opéra, les matadors de l’étendard levé. Eric Raoult le bouillant tricolore du Raincy qui depuis peu avait trouvé dans la burqa un nouvel épouvantail à moulinets médiatiques vient de tourner ses crocs contre Marie Ndiaye lauréate du prix Goncourt, l’appelant, en tant que personnalité qui défend les couleurs de la France à un devoir de réserve et au respect de la cohésion nationale et de l’image de notre pays. Pourquoi ce coup de sang patriotique ? Parce que Marie Ndiaye, il y a quelque temps avait expliqué son installation à Berlin ainsi : « Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy…Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité…Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux…Ils représentent une forme de mort, d’abêtissement de la réflexion, un refus d’une différence possible… »Evidemment se reconnaitre dans le miroir tendu par une romancière née à …Pithiviers consacrée par le Fémina et le Goncourt doit choquer l’égo identitaire d’un boutefeu qui après s’être vu décerné en mars 2009, « pour l’ensemble de son œuvre » le premier « Y’a bon awards », prix destiné à tourner en dérision les tenants de préjugés ethno-raciaux, vient de recevoir « Le prix de l’anachronisme intellectuel » par SOS Racisme. « Anachronique », voilà bien le mot qui caractérise parfaitement le débat sur l’identité nationale mis aux surenchères publiques. Quant aux propos de Marie Ndiaye, ils paraissent d’autant plus assourdissants que la très grande majorité des intellectuels font preuve d’une très grande lâcheté vis-à-vis du pouvoir à moins qu’ils ne soient fascinés par sa langue bling-bling. En les déterrant Eric Raoult ne remue en nous que du bonheur. A l’occasion rappelons au rustre que l’identité de l’écrivain c’est d’abord sa langue et son style
Elle aménagea une semaine plus tard. C’était à Anthony, toujours au bord de la nationale mais trop loin de l’hôtel pour s’y rendre à pied. Il suffisait de longer la route, comme un fil d’acier bien tendu entre deux immeubles d’inspiration identique, l’hôtel rose et la nouvelle demeure de Rosie d’un blanc ancien et sali, mais les deux pourvus des mêmes petites fenêtres carrées. Vingt mètres plus loin, Max lui montra son propre immeuble et les quatre fenêtres que sa femme et lui avaient en façade. Il tombait une pluie grise…A cet instant, quelqu’un là-haut écarta le rideau. Rosie aperçut une figure, des yeux sombres, une bouche bienveillante. Max leva la main qui ne tenait pas le parapluie, il agita les doigts. Sa femme lui répondit. Rosie lissa ses cheveux. Elle souriait, comme Max, comme la femme là-haut. Mais quelque chose de fin, de serré, de collant, une sorte de voile à peine opaque et qui aurait pu être la mince pluie d’Anthony tombant sur son visage si Max ne l’en avait pas protégé, l’étouffait imperceptiblement, contractait son sourire, puis détournait son regard de la façade, ses yeux un peu errants, ses cils qui battaient et battaient vainement pour se libérer de ce qui s’y appesantissait et qui, se disait-elle, aurait pu être la pluie, était peut-être la pluie….

Extrait de « Rosie Carpe » prix Fémina 2001

mardi 17 novembre 2009

Blues de la bohème

La vie se meurt tranquille
Fanée de fils cousus
Mais la tête buissonne
Au moindre coup de dent
Plein de fruits défendus.

L’enfant s’embête
Dans sa cage ouverte
Prêt à voler encore
Au moindre brin de vent
Bousculant l’horlogerie.

Le cœur revient toujours
Pour une belle histoire
Dont il moud le chemin
Au moindre grain de rien
Égrenant sa bohème.

dimanche 15 novembre 2009

Sillons Sillages


Mars 1979, Giscard est aux affaires. Entre deux diamants il pianote à bretelles, s’invite à la soupe popu. Entre deux guinches il adoucit l’identité nationale, colorise d’un bleu cobalt plus clair le drapeau, abaisse d’un ton la Marseillaise, ralentit son rythme.
En mars 1979 cinq garçons dans le vent des mots s’associent autour d’un duplicateur à encre pour ancrer dans les sillons Vendéens « Soc et Foc » maison d’édition à vocation poétique.
Mars 1979, Jean François Bizot, revisitant « Actuel » dit : « Les années 80 seront actives, technologiques et gaies ».Ce sera relativement vrai pour nos mousquetaires du bocage, sélectionnant, tapant, dupliquant, agrafant, massicotant, revues et recueils trimestriels bricolés maison, tous pour un mot : Poésie.
Aujourd’hui, après, selon leur propre expression, avoir réalisé leur premier « vrai » livre en 91, nos ex barbus, vrais militants du livre, peuvent s’enorgueillir d’un catalogue de plus de cent titres associant le plus souvent un auteur et un illustrateur, réussissant une très belle création humaine et plastique.
En mars 79 Serge Gainsbourg revisitait la Marseillaise en chantant poing levé devant les paras « Aux armes et cætera », Les Pink Floyd sortait « The Wall ».
En cet automne 2009 « Soc et foc » fête ses 30 ans d’identité poétique en publiant notamment une anthologie « Sillons Sillages » autour de 59 poètes et illustrateurs.

Contact :http://www.soc-et foc.com



Vol au-dessus d’un nid de poètes



Ça bruit, ça bruisse, ça huche
Ça bombille comme ruche
Mais qui sont ces indiens
Sur le sentier des mots
Qui vont l’âme à poil
Une plume dans le cœur
Ces drôles de bipèdes
Qui affûtent leur bec
A la meule du verbe
Impriment dans la neige
Leurs pattes charbonneuses.

Ils s’échangent des visages
Des voix un peu tremblées
Des émotions qui fondent
Dans les yeux caressés
Ils se baignent au soleil
De silences sableux
Osent des tendresses
Entre deux tréteaux
Ils écoutent dans l’autre
La couleur intérieure
Qui repeint ses nuits.

Ça crie, ça cuit, ça graine
Ça fleurit à tout vent
Mais qui sont ces coucous
Dans le printemps des mots
Qui vont les doigts tachés
Un jardin dans le ventre
Ces drôles de pierrots
Qui tricotent la langue
Pour grimper aux étoiles
Sortent de leur peau
Des voyelles à tout faire.

Ils ouvrent leurs préaux
A des nids d’aquarelles
Dessinent pour l’enfance
Des endroits à l’envers
Ils s’attelent à des socs
Qui chantent la terre
Défroissent des focs
Qui ailent l’écume
Ils prennent la poésie
Pour lanterne magique
Et s’y brûlent.

vendredi 13 novembre 2009

Blues de l'érable

Cet érable qui s’effeuille
Je ne l’ai pas planté
Qui pose aujourd’hui
Contre un ciel très bleu
Ses branches d’échelle
Cet arbre où le matin
S’éclaircit mon œil
Avant de prendre l’air
Je n’ai pas grandi
Dans sa cabane d’ombre
Cet érable qui s’effeuille
Je ne l’ai pas creusé
Qui enlace aujourd’hui
Dans ses lignes noueuses
Les saisons de mon cœur.

mardi 10 novembre 2009

la lumière en prière




















Rit encore l’angelot
Me tirant sous la voûte
Immortaliser le ciel
Genoux sur le carreau
Toucher ainsi des yeux
La lumière en prière.

samedi 7 novembre 2009

Dans " La compagnie des spectres"

Vous souvenez- vous de la date d’achat ? répéta l’huissier qui était toujours posté, droit comme un i, devant la télévision…
Monsieur l’huissier il me semble préférable de vous prévenir que la saisie de ce poste risque de précipiter ma mère dans le pire des cauchemars…Pour ma mère qui vit donc retranchée dans sa chambre comme dans un bunker, la télé constitue l’assurance que le monde existe et qu’il continue de pourrir. La télé, paradoxalement, monsieur l’huissier, offre à ma mère, dans son immatérielle et chimérique existence, un contrepoint stable de réalité, je ne sais si je me fais comprendre, un phare en quelque sorte dans la nuit de son esprit( j’ai un faible pour les images poétiques, quoique je m’en défende), un repère terrestre, assuré, permanent, et quasiment invariable d’un jour sur l’autre( la même soupe infâme chaque jour, corrigeai-je en moi-même) auquel elle se raccroche afin de se défendre des vertiges et des sauts dans le vide où son âme sans cesse est appelée.
Mais parfois ma mère…se prend à douter de la réalité du monde qu’elle observe sur l’écran. Il me semble ma chérie, me confie-t-elle, que ce monde n’existe pas pour de vrai. Il me semble que c’est un feuilleton tourné par des figurants dans un studio vaste comme la terre et dirigé par un metteur en scène abominable, Putain peut-être, ou Darnand, ou un autre porc de son espèce, ou pis encore une puissance occulte ou diabolique sur laquelle nul n’a de prise, en tout cas, dit maman un être, une instance ou Dieu sait quoi qui a un faible pour les films d’action avec des morts, des guerres, des dévastations, du sang partout et des cascades…


Trop court extrait de « La compagnie des spectres » de Lydie Salvayre, délicieux huis-clos entre une fille et sa mère confrontées à la visite d’un huissier. C’est furieusement décapant et drôle. Un style d’une grande dynamique inventive et d’une merveilleuse radicalité. Une auteure à lire, fille de réfugiés espagnols entrés en France en 39, par ces temps nauséabonds d’interrogation Vichyste et de divagation milicienne.

jeudi 5 novembre 2009

La france sur ses ergots

Il y a toujours eu des personnages tirant les ficelles de l’antipathie afin de faire leur trou dans l’Histoire. Quatre au moins, aujourd’hui, se disputent le créneau. Mais les Hortefeux, Morano,
Lefebvre n’arrivent pas à l’enflé des chevilles, cravaté bleu ou rose selon, le raide Besson. Celui-là est la caricature de l’urticant ne trouvant jouissance, sans doute, que dans le degré de rejet qu’il suscite. S’il est vrai que le félon a toujours fait le meilleur collaborateur, il reste que son zèle stupéfie. La jungle Calaisienne à peine médiatiquement nettoyée, trois pauvres bougres Afghans renvoyés aux talibans, voilà qu’il nous enfume d’un grand débat préfectoral sur l’identité nationale. Y-a-t’il, sur ce grand sujet péril en l’hexagone ? La burka envahit-elle les vitrines des Galeries Lafayettes ? Nenni, mais les futures élections régionales qui il y a peu frémissaient bon pour la droite se trouvent aujourd’hui brouillées par la mauvaise côte présidentielle. Alors il faut ramener les extrêmes dans l’urne Ump et un temps faire oublier aux Français la cruelle réalité de leur situation sociale. Alors pas de plus beau rideau de fumée que le drapeau tricolore habilement ressorti aux balcons avec la Marseillaise, le béret et la baguette. Autour des symboles un débat symbolique susceptible de faire vibrer les tribunes sous des olas de coqs et de faire pencher certains franchouillards un peu plus du côté droit. Et déjà les sondeurs remontent du tréfonds des campagnes les plus belles trilles patriotiques.
Fier d’être Français voilà le nouvel affichage, dans le beau pays de la laïcité foulée il ya peu par justement le président des Français, dans le pays de la Liberté qui traque les lanceurs de « casse-toi pov con », de l’égalité composant avec le bouclier fiscal, dans le grand pays de la fraternité où plus de 8 millions de personnes vivent sous le seuil de la pauvreté, où on traque dans les écoles les enfants des sans-papiers. Non l’identité nationale n’est pas en souffrance aujourd’hui mais bien l’affaiblissement de ses grandes valeurs desservies par des enjeux opportunistes.

mercredi 4 novembre 2009

Le dernier indien


C’est quelques jours après son inhumation en toute intimité dans un minuscule village de Côte-d’Or qu’on vient d’apprendre la disparition d’un des derniers de nos grands penseurs, Claude Levi-Strauss. Grand passeur avant tout de la terre humaine. Celui qui avait dénoncé, notamment à travers l’étude des mythes les tentatives de hiérarchisation des cultures en démontrant le socle commun du fonctionnement mental entre les primitifs et nous, une même logique étant à l’œuvre dans la pensée mythique et la pensée scientifique, avait été un précurseur dans l’approche écologique du monde et des individus. Contre l’envahissement de l’égo, il s’était interrogé sur le sens de la civilisation et du progrès, dénonçant le sacrifice des espèces vivantes, la destruction des écosystèmes, l’uniformisation de l’humanité. Il appelait à se méfier d’une culture sans nature comme d’une nature sans culture.
On peut lire ainsi dans « La pensée sauvage » : « Il faut beaucoup d’égocentrisme et de naïveté pour croire que l’homme est tout entier réfugié dans un seul des modes historiques ou géographiques de son être, alors que la vérité de l’homme réside dans le système de leurs différences et de leurs communes propriétés. »

dimanche 1 novembre 2009

Lectures de toussaint

La rue longue, le vent lui-même ne s’y sent pas à l’aise.
Les fils du téléphone, quarante au moins tellement ils ont de choses à se dire, tout du long, sur leurs poteaux comme des chandeliers. Un nuage d’oiseaux s’y abat d’un coup, centaine de petites boules noires sur le ciel argent gris de décembre, un temps le recouvrant d’un vacarme de cris. Quand ils cessent, encore le vent, on dirait qu’il hurle. Au pâtis des bâille-bec c’est l’expression par ici pour où ce matin on va, pour d’enterrement à Champ-Saint-Père, tout le village fait cortège...


Ainsi débute « L’enterrement » de François Bon. Beau roman paru chez Verdier 1992

Un voisin se présente sur le seuil, découvre la morte sur le lit.
Il enlève sa casquette, passe un doigt sur la bande intérieure luisante de sueur, l’essuie sur son pantalon de grosse toile. Une ceinture de flanelle autour de ses reins.
Il dépose en entrant la musette qu’il portait à l’épaule et salue d’un signe de tête.
Son visage est osseux, fortement hâlé, mais le haut du front est blanc sous les cheveux à l’endroit que couvre sa casquette.
Ses bas de pantalons, retournés plusieurs fois, ont conservé des brins de foin.
Il parle enfin à Marthe, avec application, en cherchant ses mots, en grattant sur sa chemise un peu de terre.
Livré à lui-même, il ne sait où s’asseoir.


Extrait d’ « Un si bel été » de Georges Bonnet. Premier roman d’un grand poète né en 1919. qui écrit dans « Tout bien pesé » au Dé bleu :

Des lunettes sont retrouvées
Dans une boîte à couture
Puis un bol cassé la veille
Hâtivement dissimulé
Un chien traîne sous la pluie
Une corde rompue souillée par la boue
La vie frémit à fleur de terre
Les brindilles en leur extrême
Pourrissent, les fruits tombés
S’enfouissent passionnément
La mort est charnelle comme l’amour.