lundi 11 janvier 2010

Dimanche à l'hosto...


Remonter le temps ne remet ni les pendules à l’heure ni de l’huile dans les articulations mais fait du bien à la nostalgie et débloque au moins la cortisone des lamentos. Se pencher sur soi c’est sous doute mal de romantique égotiste mais de temps en temps le corps y trouve consolation, comme neige sur jambe de bois.
Manège des flocons qui emmitouflent les choses, les endorment jusqu’au boueux détraquement et ruissellement des blancheurs. Passage des yeux d’enfant aux sentiments mitigés d’adulte, pris entre la féerie des langueurs virginales et l’impatience du quotidien économique qui doit chanter même sous l’intempérie surtout pas glisser se gripper malgré les belles ritournelles vaccinales. Pourtant sans tomber dans le blanc manteau cet amortissement neigeux du monde, cet ensilencieusement, cet effacement ébloui ne peuvent mieux définir la page blanche. Et quand cette page s’ouvre à la genèse d’une nouvelle d’année c’est comme un petit miracle.
Dimanche 3 janvier je n’étais pas à Orly avec Gilbert Bécaud pour voir les avions s'envoler au dessus des sillons crachoteux du teppaz, dimanche 3 janvier j’étais à l’hosto regardant du septième, qui n’avait rien d’un ciel, voler bas et sirèner samu et pompiers. C’est pas planant l’hosto avec son codétenu encore un peu plus mal qui vous serre dans ses yeux, vous crachouille difficilement sa vie et ses peines de corps. Et quand côté fenêtre tombe la neige comme s’embrumait Adamo, ce soyeux cortège dans lequel on veut se fondre peinard.
A l’hosto c’est pas la surpopu ni le mitard, mais bien un peu la cellule de la Santé où l’intime devient aussi flou que les contours gommés de blanc.
Bloqué là sept jours sous les congères douillets des couvertures, j’avais comme vade-mecum emporté « Mort à crédit » de L-F Céline. Non pour le titre, encore qu’il fleure la violette des vœux, mais pour ses 623 pages chez Folio et comme on dit écrites petit. Il y a vingt ans que je n’avais pas relu le sulfureux, choix radical de mes printemps de barricades et d’opposition tout azimut. Alors dans l’intimité de la douleur, j’avais décidé de titiller mes principes et quel bonheur !un style foudroyant : Les bains de mer, c’était du courage. C’est la crête fumante, redressée, bétonnée de cent mille galets, grondante qui s’écrase et me happe. Transi, raclé, l’enfant vacille et succombe…Un univers en cailloux me baratine tous les os parmi les flocons, la mousse. C’est la tête qui branle d’abord, qui porte, bascule pilonne au fond des graviers…Chaque seconde est la dernière…Quand la furie me bute au fond, je remonte râler en surface…Je vise le temps d’un éclair qu’ils discutent sur mon agonie…Ils sont là de toutes les couleurs : des verts…des bleus, des ombrelles, des jaunes… des citron…Je tourbillonne dans mes morceaux…
C’est dans les nœuds d’enfermement qu’on mesure la chance d’avoir enfant, parce que maladif comme on disait, été emmené à la fête foraine des mots et au tournis des pages sous la neige rêche des draps.
Les enfants s’ennuient le dimanche. Le dimanche les enfants s’ennuient. En knikerbockers ou en robe blanche, le dimanche les enfants s’ennuient. Vienne, vienne la semaine, lundi, mardi, jeudi Car la rue est toujours pleine de lumière et de bruit, chantait Charles Trénet. Mais à Orly ou à l’hosto le cœur peut parfois aussi s’envoler, certains dimanches dans les nuits blanches.

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