mardi 23 février 2010

Grains de lecture 2010/2 Jean-Philippe Toussaint, Lydie Salvayre
























L’excès de talent devient parfois talent d’Achille. L’excès de virtuosité finit par agacer et on referme le dernier Jean Philippe Toussaint « La vérité sur Marie » un peu essoufflé. Après les très bons « Faire l’amour »et « fuir » qui avaient installé un turbulent chassé-croisé japonico-chinois amoureux je te quitte moi non plus, un pseudo road-movie d’amour, voilà l’annoncé échec et mat de la trilogie. Avec toujours la craquante Marie, pivot de l’intrigue, la mystérieuse jet-tendance, casaque de luxe, toujours flanquée de ses Ali baba porteurs de ses quarante valises, fatale tombeuse et pourtant icône fragile. Le roi des écrivains belges nous laisse dans la mertitude, à l’issue de ses derniers morceaux pyrotechniques, de ses derniers brillants galops. On ne saura jamais la vérité sur Marie pour la bonne raison qu’elle n’est que fantasme, la flamme fantasque. Tout cet embrasement chevaleresque ne cherche à séduire que les yeux noirs de la littérature. Alors oui il faut lire ce livre, en oubliant son cœur de midinette à roman photos glacé, pour le talent cent pur-sang de l’auteur, son art extraordinaire du souffle élémentaire, son toucher de phrase à la Fédérer, son lyrisme échevelé. Bon mais quand même manque maintenant le regard à la Geluck qui distanciait ses premiers livres.



BW est grand pour les grandes choses mail fort démuni pour les petites, qui sont cependant celles qui composent notre vie de tous les jours. D’où le merdier…


A contrario, « BW » de Lydie Salvayre, portrait de son compagnon Bernard Wallet est un grand livre d’amour, un magnifique exercice d’admiration. L’auteure accouche par petites touches, par douces ou ironiques relances, par parfois échanges ping-pong la vie de cet homme toujours en fuite. Alors nous partageons les galères et les joies, les violences mêmes de ses multiples voyages qui retricotent ce temps on the road si particulier et riche des années soixante. Nous suivons ce coureur à pied impénitent. Nous admirons l’homme radical qui décide de quitter en pleine réussite, refusant la dérive libérale de l’édition, la maison Verticales qu’il a créée. La lucidité, la vérité de cet homme personnage idéal désenchanté avec ses peurs, ses contradictions, ses approximations, ses bonheurs, son humour, son ironie nous prennent à vif. Humain si humain de chair et belle âme. La rebelle Salvayre livre ici son cœur. Quand vie et littérature mêlent leurs courants sauvages.


En photo: Lydie Salvayre

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