lundi 15 mars 2010

Le chanteur des cimes.



Dur hiver pour la poésie. Jean Tenenbaum dit Ferrat ne verra pas le printemps des poètes, il part la neige Ardéchoise collée à ses semelles. Il part avec la consolation de savoir que beaucoup de ses textes sont indélébilement gravés dans la cire des cœurs. La chanson a sur le poème, grâce à sa charpente mélodique, cette capacité d’inscription quasi immortelle. Bien sûr, quand elle a la qualité du bijou enchâssant parfaitement le fin métal des mots et la ciselure des notes. Passeur fidèle d’Aragon, fils d’un père joailler déporté à Auschwitz, Jean Ferrat avait cette plume d’orfèvre.
L’extraordinaire, c’est qu’alors qu’il avait mis son âme rouge au vert, depuis de longues années, pour fuir le show-fric, préférant les plateaux montagneux aux plateaux télé, les lèvres de deux générations peuvent spontanément refleurir de « La montagne » ou « Ma môme » et bien d’autres petites merveilles. Grâce d’abord à sa voix, son velours d’arabica au grain brûlant et sensuel, son vibrato posé comme un vol d’hirondelle. Mais une voix ensuite, chantant l’amour, la révolte ou l’Histoire toujours sur la même longueur d’onde que l’âme populaire, celle du front. Communiste au sens littéral, communard serait juste, Ferrat chantait pour la classe ouvrière, élever sa conscience, entretenir son esprit de résistance. Il chantait avec la volonté de tirer l’humanité vers le haut.
Jean Ferrat était un homme libre, à l’engagement viscéral mais ailé, soucieux de sauver l’Homme de la nuit et brouillard.


Ma France



De plaines en forêts de vallons en collines
Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
De ce que j'ai vécu à ce que j'imagine
Je n'en finirais pas d'écrire ta chanson
Ma France

Au grand soleil d'été qui courbe la Provence
Des genêts de Bretagne aux bruyères d'Ardèche
Quelque chose dans l'air a cette transparence
Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche
Ma France

Cet air de liberté au-delà des frontières
Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige
Et dont vous usurpez aujourd'hui le prestige
Elle répond toujours du nom de Robespierre
Ma France

Celle du vieil Hugo tonnant de son exil
Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines
Celle qui construisit de ses mains vos usines
Celle dont monsieur Thiers a dit qu'on la fusille
Ma France

Picasso tient le monde au bout de sa palette
Des lèvres d'Éluard s'envolent des colombes
Ils n'en finissent pas tes artistes prophètes
De dire qu'il est temps que le malheur succombe
Ma France

Leurs voix se multiplient à n'en plus faire qu'une
Celle qui paie toujours vos crimes vos erreurs
En remplissant l'histoire et ses fosses communes
Que je chante à jamais celle des travailleurs
Ma France

Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches
Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien
Du journal que l'on vend le matin d'un dimanche
A l'affiche qu'on colle au mur du lendemain
Ma France

Qu'elle monte des mines descende des collines
Celle qui chante en moi la belle la rebelle
Elle tient l'avenir, serré dans ses mains fines
Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
Ma France

1 commentaire:

  1. merci d'avoir mis cette video; pour tous ceux qui ne sont pas revenus et pour les ombres qui en sont revenus , en ces temps ou une partie du monde nie ce qui s'est passe la-bas...

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