jeudi 29 novembre 2012

Des monstres de foire







Bien sûr, on voudrait parler d’autre chose. On souhaiterait que unes et ondes les trépassent sous silence. Les laissent s’entretuer. N’avoir plus cette colère, cette honte, ce dégoût. Même si on n’a jamais été des leurs. De leur famille. Qu’on les a toujours combattus. Mais leur guerre picrocholine nous éclabousse, leur combat de coqs arrache les dernières plumes au panache du Politique.
Tous les jours on pense avoir touché le fond. Tous les jours ils creusent un peu plus leur néant et la tombe de notre système démocratique. Ces vieux quinquas indignes. L’un m’est de naturel très antipathique, l’avocat d’affaires, de ses petites affaires, qui aspirait (j’espère l’imparfait devenu le juste temps) aussi à s’occuper des affaires de la France. Le mitron du pain au chocolat. Prêt à rouler la France dans le levain le plus populiste pour tirer ses ficelles du four.
L’autre, le pilote boitillant semblait mieux élevé. Genre gendre un peu british idéal pour bal de débutantes. Son choix de négocier un virage plus social démocrate me paraissait sincère. Foutre, on était dans la seule tactique de course électorale. Le gentil colgate n’est qu’un rayeur de parquets. Un carnassier. Un tueur. Une racaille de récré. Le propret à la raie tiré comme la dernière ligne droite un requin des urnes.
Depuis les Mitterrand, Chirac et Sarko, on avait pigé que la politique est affaire de fauves. Que le pouvoir rend dingue. Qu’ils y pensent tous les jours en nous rasant. Mais je me disais aussi que l’habit et la tâche exigeaient peut-être ce genre de monstres. Je ne pensais pas cependant à des monstres de foire.
Et pendant ce temps le polichinelle ressort de sa boîte et la walkyrie attend que tombe le fromage.






mercredi 28 novembre 2012

Juillet ( dans le jardin de mon père)






J’ai des jours dorés dans la mémoire, de bleu sur le feu et de corps dans la fraîcheur noire d’une chambre. J’ai des juillets lumineux de long compagnonnage où je suis son porteur d’eau.
J’entrais en grandes vacances quand il avait ses congés. Du temps encore pour son jardin. On restait. Mais juillet pimentait notre ancrage de ses rouges aztèques ou ses violets incas et notre bout de terre avait un goût de nouveau monde. Tomates, aubergines, poivrons, courgettes débordaient de nos porte-bagages. Toute la peine donnée maintenant nous souriait. Ni mer ni montagne, je prenais de belles couleurs dans le frottement des peaux.
Nous avions le Tour pour nous échapper et découvrir la France. La Grande Boucle punaisée sur le calendrier des postes que nous suivions collés à la radio, sur la moto de Robert Chapatte ou Jean-Paul Brouchon.
Le soir, dans les carrés, nous franchissions le Tourmalet dans la roue de l’aigle de Tolède Federico Bahamontes ou du grimpeur ailé Charlie Gaul. Encouragions Poupou d’une discrète poussette. Heureux équipiers, nous pédalions dans la terre, jusqu’au moment où le soleil perdait son maillot jaune derrière les framboisiers.

dimanche 25 novembre 2012

Barbara







On ne sait pas ce qui prélude à ces exhumations commémoratives, ces ressorties des ombres. 15 bougies funèbres sur le piano dont on soulève l’aile noire. Et voilà la longue dame brune frissonnant dans la lumière jaune des feuilles d’automne.
15 ans dont on ne saurait comprimer l’atmosphère, finalement qu’on résume à
La poussière crayeuse en bas d’un tableau. 15 ans laissant un petit tas de jours au tourbillon du vent. Un petit tas de cendres. Nos reculades devant la nuit.
15 ans, nous avons tant aimé cette voix qui revient dans nos meurtrissures. Qui funambule sur le clavier des sentiments. Cette voix d’outre enfance sur le fil du couteau. Cette voix si nue sur la peau. Ses griffes et ses échardes. Sa danse sur les tessons des murmures. Cette voix qui ruisselle et s’échappe. De Pierrot et Poucet, chaperon rouge et Colombine.
Et nous aimons tant cette voix de mûre et d’âme égratignée. De flammes et copeaux. De cailloux perdus et de géographie amoureuse. Cette voix qui nous touche où le cœur a mal.
Et nous aimons tant cette femme qui s’offre et nous met en larmes.

vendredi 23 novembre 2012

Faut rigoler...faut rigoler...




Au début on rigole, on se tord les boyaux. On se marre, se gondole. Au théâtre ce soir chez les bourges cocus, on se tape sur les cuisses. Au guignol on compte les gnons, les coups dans les parties électorales. Et puis la farce dure et le rire se colore de bile. Vient la nausée. On s’aperçoit qu’on rit avec tout le monde de notre mort. La chute de l’Homme. Qu’on s’esclaffe devant sa dépouille. Qu’on se bidonne devant la bête.
Certains croient encore à la fin du monde le 21 décembre 2012, mais ils sont en retard. Il est trop tard pour Bugarach. Nous sommes, depuis longtemps, des spectres, des ombres errantes, des silhouettes découpées pour tous ces montreurs qui nous guignent derrière l’écran, qui nous enferment dans la quadrature de leurs paraboles. Nous ne sommes que les spectateurs de leur comédie d’ego.
Nous ne sommes plus que les faire-valoir de leurs telling stories. Les personnages de leurs affligeants sitcoms. Leurs amuse-gueules. Sûrement, ils ouvrent nos portes aux loups.

Mon enfance/Barbara


jeudi 22 novembre 2012

Jeudi 22 novembre Sainte Cécile




Trêve des fracas
Silence des dieux dos à dos
Des terres lèvres à lèvres
Des âmes à mille lieues
Des cœurs à portée de roquettes
Jusqu’à quand encore
Le doux Gazaoui des oiseaux
A l’oreille ?

98 puis 28 voix discordantes
Entre l’un et l’autre
L’épaisseur d’un pain au chocolat
D’un papier à triste musique
Cuivres d’un côté bois de l’autre
Juppé invité en fanfare
A recoller les morceaux
Pourrait couac de Hollande
Faire jouer bémol
Sa clause de conscience
22 novembre Sainte Cécile
Guerre des chefs d’orchestre
Hollande envisage de leur livrer
Des batteries de missiles sol-air.


lundi 19 novembre 2012

Avril ( Dans le jardin de mon père)





J’aurais aimé ne jamais remonter ce cordeau ombilical. Que cela demeurât son jardin secret. Qu’elle ne confiât jamais au milieu de mes copines j’avais honte de mon gros ventre. Dans la chair alanguie, les sucs de juillet, j’aurais aimé être ce grain d’amour semé et attendu comme leur petit bout de printemps.
Il n’est pas auprès d’elle, cela ne se fait pas, ce 11 avril 1949. Tourne t-il dans la cuisine ou patiente t-il dans ses carrés en sarclant ses échalotes grises ou buttant ses fèves ? L’air est doux et dans six jours pâques s’envolera à 28 degrés.
Sourit-il au c’est un garçon de sa belle-mère ? Pose t-il sur moi un premier œil de jardinier fier de son rejeton ? Sa graine baby boom. Ose t-il me cueillir, m’accueillir dans ses bras ?
Retourne t-il très vite rayonner sa poirée blonde, ses betteraves rouges crapaudine, ses oignons jaune paille des vertus ? Oeilletonner ses artichauts ou enfouir ses tubercules de belle de Fontenay ?
Pour cette nouvelle bouche à nourrir.


dimanche 18 novembre 2012

TEMPS VARIABLE.





Il a plu des bombes, des missels,
Des roquettes, des cris et des clous
Des Allah Akbar ! , des oh mon dieu!
Des codes civils et des cocoricos.

Les anti-Palestine occupent leurs bunkers
Les anti-Israël se terrent dans leurs caves
Les anti-aérien squattent leurs cabanes
Les anti-homos se serrent dans leurs églises.

Samedi 17 novembre 2012
Dimanche 18 novembre 2012
Sainte Elisabeth et Sainte Aude
Météo du jour : Temps variable.

samedi 17 novembre 2012

Malacologue ou lumagination au pouvoir.








Je guette toujours dans mon quotidien matinal (le journal) l’entrefilet susceptible de nous présenter le monde et surtout son triste érectus sous une face un peu plus réjouissante. J’avoue qu’il y a souvent des jours sans.
Mais aujourd’hui je découvre en dernière page qu’un certain Mikel Chaussepied peint depuis 2002 un matricule sur le dos des escargots qui traversent son jardin. Loisir comme un autre penserez vous, façon originale entre macramé et peinture sur soie de prendre la retraite par les cornes. Pas de quoi alerter Bardot ou Greenpeace. D’autant que ce pigmenteur de cagouille, par ailleurs graveur et peintre reconnu, explique que son geste est une réplique à la vision insupportable des arbres numérotés dans un parc voisin, on aurait dit les prisonniers d’un stalag

. Bien sûr on a beau se gratter le colimaçon, la logique de ce sillage artistique peut interroger. Mais au moins nous fait-il sortir l’esprit de la coquille.
D’ailleurs ce malacologue amateur à lumagination débordante va se voir remettre le titre de grand recenseur de l’escargot cosmique par l’association Vacuus de Brest qui prône la néantologie et promeut toute activité n’ayant pas de justification utilitaire.

Ps : Vacuus qui tient blog dont la seule page d’entrée promeut…3 publicités, forcément sans justification utilitaire…

vendredi 16 novembre 2012

Peau de colle






On sait que la recherche est d’abord une affaire d’intuition. En bref qu’un bon chercheur doit avoir du nez. Alors on perçoit mieux ce qui a pu conduire certains universitaires de Tours à sonder les fosses de 18 patients hospitalisés pour sévère dépression. A qui on a fait renifler huit odeurs différentes, qualifiées d’alléchantes ou désagréables. Parfois leur mélange. Le résultat de ce pifomètre indique que face au ressenti de 54 volontaires en bonne santé, l’olfaction des malades testés se révèle relativement altérée. Ainsi on suppute suspect le fait qu’ils rangent dans les odeurs déplaisantes la vanille, la cannelle ou l’amande amère. D’autant que les mêmes bouchés, après six mois d’antidépresseurs, persistent à ne pas humer comme le commun des narines.
Mais alors qu’en conclure ? Que tous les déprimés n’ont dans le cerveau qu’un petit pois de senteur ? Que tous les infirmes du pif sont des dépressifs en puissance ?
Ne serait-ce pas, pour ces chercheurs, à l’instar de beaucoup de manipulateurs de rats qu’une façon de montrer le bout de leur nez ?
Par essence la dépression est d’abord une perte sévère d’appétence aux choses de la vie. Tous les sens sont mis sous l’éteignoir. Mais quand le malade revient de sa douloureuse traversée, il reprend parfaitement goût à ce qui fait le sel ou l’odeur du bonheur.
Allons, une de ces chercheuses de truffe admet, quand même, qu’une odeur semble surnager et redevenir plaisante aux tarins antidépréssés : celle du petit pot de colle utilisé en classe qui sentait légèrement l’amande amère.
Ah ! Le petit pot de colle blanche qu’on sniffait à partir de la maternelle à base d’amidon de pomme de terre avec sa petite spatule qui permettait de réaliser les beaux collages des premiers cahiers.
Tout le parfum de l’enfance dans lequel tout bon psy (chiatre ou thérapeute) vous replonge au premier blues.
Cette enfance vraie peau de colle.


lundi 12 novembre 2012

Ses leçons de choses





Il a sept ans et la main gauche collée sur son buvard chicorée Leroux. Il s’applique à écrire, à la plume sergent-major, la liste des sept pluriels qu’il s’efforcera de mémoriser ensuite : bijou, caillou, chou…
Il a huit ans et ouvre ravi, au retour du jardin du maître, le chapitre : Plantons des choux, à la page 119 de son livre Leçons de choses en classe et en promenade pour cours élémentaire et moyen.
J’ai sept ans au bord du semis de sa pépinière de choux. Traits parfaitement rectilignes comme ses tracés d’encre violette. Dans deux mois il espacera sa sélection de replants en quinconce.
J’ai huit ans et je le regarde enterrer ses plants jusqu’aux premières feuilles. Suit-il ainsi, encore, dans ce geste, la consigne de la page 121 de son ancien Delagrave cartonné, dessin bleu, en couverture, d’épis de blés ?
J’y lis aujourd’hui dans sa préface : Les connaissances ont leur double racine sans lesquelles elles seraient superficielles et précaires : 1) dans la perception attentive du réel 2) dans son expression verbale.
Je n’ai pas connu en classe ces leçons de choses. Mais j’ai eu son jardin du maître pour école.


lundi 5 novembre 2012

Le sécateur





Voilà posé sur le fil de ma page, un drôle de corvidé aux fines ailes, bridées par une boucle de cuir. Je voyais toujours son bec crochu dépasser de ses poches de pantalon. Lame ovale croisant une plus épaisse en croissant. Un oiseau au poli de jais, dont la pupille saillante, me fixe latéralement.
Son dernier sécateur dont un ressort libère les ciseaux. Acier extra, parfaitement équilibré, qualité sans égale et fini irréprochable, tel que précisé, sur fond vert, dans son catalogue Manufrance.
Je l’ai encore bien en main cet outil modèle courant à 8 francs que j’ai sauvegardé de son fourbi. Pour un peu, le serrant, je sentirai presque un cœur battre dans mes paumes. Il en pendait deux autres dans la cabane dont un plus sec pour la vigne. Je les prenais et ouvrais un peu en cachette. Tu vas te couper me disait-il. Il n’aimait pas me les voir manipuler.
J’aimais regarder l’envolée de ses gestes précis dans les rameaux. Sa taille de fin d’automne qui faisait voler les rémiges des fruitiers.


Longue absence pour certains... afin de finaliser un manuscrit qui reprend les textes "Dans le jardin de mon père" et qui devrait conduire à une publication dans les mois à venir. Jusqu'à la fin de l'année je vais en poster un certain nombre.