jeudi 21 novembre 2013

Sur le sentier des Poètes



Le samedi 16 novembre, accompagnés de 200 personnes six poètes ont lu leur poème déposé pour deux ans sur une borne posée sur le sentier des poètes , un des trois sentiers de La Meilleraie-Tillay, localisation des éditions Soc et Foc, et seul village labellisé "village en poésie" de Vendée, distinction récompensant un endroit qui distingue particulièrement la poésie dans sa vie culturelle.


jeudi 14 novembre 2013

J’ai 11 ans / 15 /




Cette absence du frère, cet écart d’âge avec la sœur ont forgé un solitaire, un petit dernier asséché et sensible au moindre souffle. Un écorché qui ronge sa ouate et se raconte encore des histoires en ce début de septembre 60. Un qui fait le Jeanjean dans le rayon des jupes, l’autre le Jean-Pierre dans le jardin du père. Qui remémore, entre deux arrosoirs, la victoire de l’Italien Nancini dans le Tour de France et la huitième place d’Anglade.
Cette année je n’ai pas suivi la Grande Boucle avec lui, reporté le vainqueur de chaque étape sur la carte du journal punaisée derrière la porte de la cuisine. Ce juillet on m’a envoyé à la campagne. Pour mon bien, chez une amie de ma sœur à Bourneau. Quelques âmes au bord du massif forestier de Mervent. Lui travaille à la scierie, cultive, à côté, un grand champ de pommiers longé de quelques ruches. Elle tient la maison et le jardin. Je dois partager le lit du fils destiné, lui aussi, à la découpe des grumes. Un ado brut de sciage qui me force parfois la tête sous le drap.
Heureusement il y a Monique d’un an ma cadette, ma squaw à couettes. Nos poursuites en forêt et nos avancées de sioux le long des rails qui ferrent le talus du jardin. Monique ma captive aux yeux noisette, ma prisonnière du dessert. Martine des quatre-heures coco et Suchard. Qui un après-midi écarte dames et nain jaune, s’étend sur le dos. Pions qui roulent, petits chevaux qui se renversent dans ma tête. À cet instant me monte au ventre une odeur de pomme. Un instant où la fascination qui nous divise va trouver son fléau. Dès lors les à quoi on joue ne seront que questions biaisées, invitations à des adorations primitives, à des liturgies secrètes. Nos jeux cachés des grands, comme de la maman qui dit bijou et jésus sous le gant qui nous savonne, avant la messe, dans la bassine du dimanche, porte de souillarde bien refermée sur l’une puis l’autre. Nos jeux avec un feu plus brûlant que les flammes fourchues de l’enfer qui nous tordent ensuite dans les travées de l’église.
Un juillet en pente douce, donc, grâce à Monique ma petite madeleine modelée dans le coton blanc, que je ne reverrai que trois ans plus tard, fondant en larmes.




lundi 11 novembre 2013

samedi 9 novembre 2013

J'ai 11 ans / 14 /



Fin 59, j’ai découvert ce grand frère dont maman nous lisait parfois les lettres, venant de Philippeville, cachetées poste aux armées. Le dimanche, tassé et silencieux près de la cuisinière à charbon, enfoncé encore dans son cauchemar algérien. Celui, qui serrait toujours les dents sur sa guerre au printemps 60 et qui se marierait quelques mois plus tard avec la meilleure amie de ma soeur, m’était comme un personnage de fiction. Un héro mystérieux et lointain qui avait, avant son embarquement à Marseille, remisé une volumineuse malle de bois dans un coin de notre appentis dont le trésor était constitué d’outils précieusement rangés et marqués de ses initiales ainsi que d’une magnifique maquette d’escalier, son chef-d’œuvre.
Ce frère disparu avait fui l’atmosphère familial à mes 5 ans, plaquant la menuiserie de son apprentissage pour rejoindre les compagnons du devoir du tour de France. Allant de patron en patron, de maison en maison, d’Angers à Lyon en passant par Strasbourg et Genève, le pays avait été intronisé aspirant ébéniste, à l’été 56 à Strasbourg, après réception de sa maquette. Sa mobilisation l’empêchera de devenir compagnon. J’étais relié à cet aîné infréquenté par deux autres chefs-d’œuvre : un petit bureau en orme menuisé pour mon quatrième noël et un cheval de bois à bascule chevillé pour mon troisième. Ce dernier livré avec tant d’empressement que je laisserai le fond de ma culotte sur le rouge trop frais de la selle. La mémorable colère paternelle qui s’ensuivra immortalisant l’histoire.

mardi 5 novembre 2013

J’ai 11 ans / 13 /



La tierce fraternelle est au complet dans cet avril 60. Faute de place dans nos trois pièces, ma sœur et mon frère ont leur vie dans les remises blanchies de l’ancienne épicerie mitoyenne. Deux chambres rudimentaires dans le bâtiment grossier, bardé de planches goudronnées, collé à l’arrière de la maison et ouvert sur les deux jardins coupés par une allée de terre.
Ma sœur termine ses cinq années d’apprentissage de linotypiste. 5 ans à apprendre à saisir des lignes-blocs, à surveiller la coulée de l’étain-plomb, à ranger les matrices dans le bon magasin de casse. 5 ans, parfois en chantant, à coller, relier, brocher les ouvrages commandés par l’évêché dont c’était l’exclusive imprimerie. 5 ans, dans une bonne ambiance, mais dans un métier, alors élu pour sa seule protection conventionnelle, assurant dès le début ce bon salaire qui offrait, sans discussion, l’indépendance à celle dont on avait sèchement contrarié la volonté de devenir institutrice.
Celle, de neuf ans mon aînée, que je vois, à peine ce métier en poche, faire brutalement ses valises, au début de l’été, pour rejoindre l’institut hélio marin de Pen Bron au Croisic. L’institutrice contrariée allant s’occuper d’enfants et adolescents polyhandicapés, dans ce centre créé à la fin du 19ème pour accueillir les gamins rachitiques…

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